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Les enfants n’avaient pas besoin de savoir lire pour connaître les saisons, ils lisaient dans les fleurs. Les premières fleurs blanches promettaient des mûres qui poussaient dans le flanc des ruisseaux. Sans épines et délicieuses. Habituellement, les enfants les découvraient avant les adultes.

C’est mon père qui nous apportait les premières feuilles fraiches et tendres de pissenlits. Une première salade issue d’une tradition familiale, car les voisins n’en mangeaient pas. C’est aussi mon père qui faisait goûter les premières feuilles d’oseille aux enfants. De petites feuilles qui poussaient à l’ombre et qui faisaient faire la grimace.

Les plus vieux nous faisaient aussi apprécier les « rougets », de petites boules rouges qui poussaient dans les sous-bois. Pas qu’ils aient été absolument délicieux, mais nous n’aurions jamais osé toucher à ce que nous ne connaissions pas. Et puis, au printemps, il y avait un moment où il ne restait plus que des patates comme légumes crus dans la cave. Nous avions aussi une cachette de thé des bois qui fournissait un délicieux breuvage aux adultes pendant l’hiver et un chapelet savoureux de petits œufs blanc bien cachés dans la mousse pour les enfants.

Mais en mai, le soleil avait repris assez de vigueur pour que la verdure envahisse la nature. Et certaines fleurs commençaient â montrer leurs promesses, timidement. Les enfants vont passer tout l’été et l’automne à l’affut de la maturation des fleurs sauvages. Au cours du mois de juin, certains champs négligés depuis un moment sont envahis de fleurs blanches. Puis, de minuscules petits fruits rouges délicieux et abondants : des fraises, des petites fraises. Sans doute le fruit le plus savoureux et le pot de confiture le plus apprécié dans la cave pour l’hiver. La cueillette sera en partie l’affaire des adultes, mais deviendra de plus en plus le « travail » des enfants. Pendant cette période, on verra une maman ou une grande sœur entourée d’une « ribambelle » de petits enfants aux doigts rouges. Puis de petits enfants aux doigts rouges pouvaient ramasser seuls. Et les rangées de pots s’étireront sur les tablettes dans la cave. Je dis bien « pots » en verre, car les boites en métal n’existaient pas encore. Et les réfrigérateurs non plus.

Puis ce sera le tour des framboises. Les plus petits enfants seront laissés de côté. Car les framboises poussaient dans des terrains beaucoup plus difficiles d’accès. De vieux buchers ou des tas de roches. Beaucoup plus fréquentés par les « bourdons » aussi. Qui piquaient fort.

Et la cueillette des bleuets. Il y en avait partout. Le long des clôtures, dans les champs de vaches, partout où il y avait eu des feux. Et dans les tourbières. En quantité. Le terrain des tourbières était sillonné de tranchées et sur bord des tranchées une ligne continue et bien fournie de plants de bleuets. Quand il n’y avait pas de travail sur la ferme nous descendions toute la famille dans la boite du « pick-up », Avec notre diner et de grands contenants pour la cueillette. Le plus vieux des enfants ramassait avec le plus jeune, pour lui apprendre à ramasser. Le père donnait de la gomme à mâcher à tout monde. Si elle sortait bleue à la fin de la journée, c’était le signal que le « ramasseur » en avait mangé. Même les petits avaient conscience de travailler ensemble. Car nous apprenions à travailler ensemble. La cueillette était étonnante. Un acheteur passait tous les soirs pour acheter les boites remplies. Un revenu important pour la famille.

Nous étions appelés à cueillir tous les nombreux fruits qui poussaient dans notre environnement ; des gadelles, les groseilles, les cerises à grappes, du thé des bois, etc. Lors du grand feu de notre rang en 1859, les maisons avaient été déplacées pour les situer à des endroits plus favorables à l’agriculture et aux routes. Il y avait des talles de gadelles et de groseilles, cassis, des pommes, de senelles à épines de cormier, partout dans la forêt. Nous en avions repéré un bon nombre qui avait continué à pousser autour des maisons d’autrefois et nous en avons profité.

Nous avions beaucoup d’arbustes à noisettes dans notre environnement. Ils poussaient en grande partie sur des « digues » de roches et nous en ramassions de grandes quantités, plusieurs poches. Que nous enterrions dans le foin pour rendre l » équeutage » plus facile. Ma mère mettait des amandes de noisettes dans son sucre à la crème. Une recette imbattable.

Le temps des foins était aussi le temps des merises. Quand le voyage de foin était bien plein, mon père approchait son voyage le long d’une tête de merisier et nous en cassions des branches pour en manger les fruits pendant notre retour à la maison. Un vrai régal de vacances.

Sans le savoir, le fait de travailler ensemble avait développé comme une culture d’entraide. Nous mangions ensemble, nous travaillions ensemble, nous jouions ensemble. Les parties de balle fréquentes après souper en font foi.

Nos parents sont morts il y a bientôt 25 ans. Depuis bientôt cinquante ans, nous nous retrouvons une centaine de leurs descendances à passer trois jours ensemble sur un terrain de camping. À faire cuisine commune. À jouer aux cartes. À jouer au ballon-volant. Nous avons toujours joué ensemble. Nous étions assez nombreux pour monter des équipes. Nous n’avions pas besoin de téléphone cellulaire.

Les liens restent forts.

Mon étincelle : Un problème posé par l’injustice se règle par la justice, pas par la charité.

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